Ce Pierrot-là n’a pas l’air de le savoir : nous sommes en confinement. Depuis
quelque temps, le monde où nous vivons a tombé le masque, en nous demandant à
tous de le porter. On disait tenir la situation bien en main, mais voilà qu’elle nous
échappe complètement. Restez chez vous et ne sortez que protégés !
Quand le temps du carnaval s’éternise, c’est celui qui ne porte pas de masque qui
apparaît comme un trublion joyeux. Il s’enchante des rues désertes qui désespèrent
tant de gens, il rencontre des silhouettes furtives rasant les murs, et croise leurs
regards apeurés. N’approchez pas! Gardez vos distances ! Pouvions-nous imaginer
un jour que nos semblables nous inspirent pareille crainte ?
Que la ville, avec ses palais du pouvoir et ses galeries vouées au commerce, semble
étrange ainsi désertée ! Et vide de sens tout à coup ! Elle devient une scène,
disponible, où un elfe cherche par sa déambulation poétique à en recréer, par
l’humour et par un regard distancé sur ce qui nous arrive. Nous en avons bien besoin!
La raison semble avoir déserté les médias, la peur s’est emparée de nos meilleurs
amis. Nous nous souviendrons longtemps de ce moment qui a fait vaciller notre
confiance. Nous le savons à présent : il n’y a plus de pilote dans l’avion. Plus que
des gens hauts placés qui, eux aussi, se cachent derrière un masque et nous
persuadent d’en porter aussi. Et bientôt, ils voudront tout reprendre comme avant.
On voudrait croire que fleurira un renouveau sur cet avertissement qui nous est
tombé sur la tête comme la foudre. Dans ce vide si soudain des rues et des places,
la parole « Je suis chez moi » résonne, comme un fondement, comme la première
pierre de ce qui pourrait, peut-être, se rebâtir pour échapper à tant d’expropriations et
tant d’aliénations consenties.
Avec quelques autres signes croisés en chemin, tout dans sa gracieuse gestuelle à
travers cette ville si particulière, nous raconte avec gentillesse, ce désir : voir refleurir
la vie, la vraie vie, la bonne humeur, l’humour, l’amitié, la solidarité, la bienveillance,
tout le contraire des chimères auxquelles nous avons cru et qui nous ont obnubilés
durant ces dernières décennies.
Pierre Loze
En funambules, le comédien et metteur en scène Olivier Mahiant alias « Pil Poil » et le photographe
Bernard Boccara esquissent une traversée de Bruxelles suspendue au temps du confinement pour en
brosser un tableau sur le vif.
Ce docu-fiction en mode road-photography permet de revisiter la ville et ses icônes dans un contexte
inédit à travers les déambulations d’un personnage hors du flux.
Olivier Mahiant est comédien, chanteur, metteur en scène et pédagogue bruxellois. Il balade son
univers clownesque, poétique et musical depuis 2005 dans la rue, les théâtres, les écoles, les
hôpitaux, les camps de réfugiés… Il a joué en tant que clown avec Les Zyrgomatik, Le Duo Gama,
Rire à l’Hôpital, Clown sans Frontière… et en solo dans son rôle de présentateur de cabaret avec son
personnage Pil Poil. Il est auteur-compositeur-interprète de « Franc son sans chaise » et explore à
présent l’improvisation vocale et le « circle singing »
Bernard Boccara exerce comme photographe à Bruxelles depuis 1985. D’un séjour à Paris, où il
étudia un temps le cinéma, il garde le goût du décryptage sociologique dans la lignée de la
photographie humaniste. Un jeu avec les apparences, où réel et fiction ne sont jamais tout à fait
exacts…